Agriculture: Que c’est tentant le butane!
Voilà un argument de plus pour accélérer la réforme de la compensation du butane: il est écologique. Selon une étude qui a ciblé la production agricole dans la province d’El Hajeb, et dont les résultats viennent d’être rendus publics(1), la consommation de butane atteint des niveaux préoccupants pour certaines cultures.
Dans la production d’oignons par exemple, elle atteint 79,48% de la consommation totale d’énergie directe contre à peine 10,29% pour le gasoil, 9,59% pour l’électricité et enfin l’essence (0,63%).
La forte proportion du butane dans l’énergie directe totale est expliquée par son utilisation fréquente dans le pompage d’eau pour l’irrigation, l’effet subvention y décuplant l’intérêt! Une dérive qui est particulièrement gênante si elle est rapportée aux efforts des pouvoirs publics pour inciter les agriculteurs à s’autodiscipliner. En particulier, en adoptant les techniques du goutte-à-goutte dans un souci d’économie d’eau..
L’irrigation concentre en moyenne 68.212 MJ/ha (mégajoules par hectare), soit 94,56% de la consommation totale d’énergie directe (elle est suivie par la préparation des terres et les opérations de traitement phytosanitaire) et représente 20% des coûts de production. Ce qui plaide pour la mise en œuvre de mesures de rationalisation des pratiques d’irrigation afin d’assurer une meilleure répartition à la fois des ressources en eau et de l’énergie. Sur la dimension environnementale, à savoir celle du réchauffement climatique, le gaz butane arrive en seconde position dans la liste des producteurs de CO2, avec 9% des émissions, essentiellement à l’issue du pompage d’eau, contre 79% pour les fertilisants minéraux.
La facture reste pour autant élevée si elle tient compte des comparaisons internationales. Pour les opérations de transport et d’utilisation de l’eau d’irrigation, l’étude constate ainsi que les producteurs marocains consomment plus d’énergie que leurs homologues iraniens: le niveau de la consommation d’énergie indirecte est de 12.174 MJ/ha au Maroc contre 10.624 MJ/ha en Iran. En dehors de l’énergie directe (gasoil, essence, électricité.. ), les chercheurs ont également mesuré les enjeux de l’énergie indirecte utilisée dans les cultures. Celle-ci fait référence à l’énergie contenue dans les facteurs de production: semences, engrais minéraux, traitements phytosanitaires, équipements agricoles…
Les principales sources d’énergie indirecte consommée dans la production d’oignons restent l’engrais minéral (61,53%), suivi de l’eau d’irrigation (30,05%), le matériel agricole (5,71%), les traitements phytosanitaires (2,37%) et les semences (0,33%). L’azote reste l’engrais minéral le plus important avec une consommation de 17.062 MJ/ha, soit 78,45% de la consommation totale d’engrais. Le phosphore suit à 3.778 MJ/ha (7,37% de la consommation totale d’engrais).
Le choix d’El Hajeb comme terrain d’étude n’est pas fortuit. Cette province est connue au Maroc pour son importance historique dans la production d’oignons et de pommes de terre. Ces cultures y représentent respectivement 41 et 32% de la superficie de production de légumes dans la province, 60 et 38% de la superficie totale au niveau régional (Meknès-Tafilalet) et 16 et 8% de la superficie nationale.
(1) L’étude intitulée: «Energy Consumption in Onion and Potato Production within the Province of El Hajeb (Morocco): Towards Energy Use Efficiency in Commercialized Vegetable Production» a été publiée dans le numéro de janvier de la revue spécialisée Journal of Agricultural Science. L’équipe de recherche est composée de Khalil Allali (de l’Ecole nationale d’agriculture de Meknès), Boubaker Dhehibi, Shinan N. Kassam & Aden Aw-Hassan (chercheurs jordaniens et égyptiens).