« Aziza », une variété rare de dattes menacée par l’incident de Figuig
La zone « El Arja » à Figuig abrite une variété de dattes de qualité. Nommée « Aziza », cette variété rare est menacée, suite aux directives algériennes imposant aux fermiers de quitter leurs terres.
A la suite de revendications algériennes, une trentaine de fermiers marocains sont contraints de quitter, avant le 18 mars 2021, leurs terres, précisément dans la zone « El Arja », à 6 km du centre de Figuig. Cette zone est connue par la qualité de ses dattes.
La zone concernée est couverte par environ 15.000 palmiers, produisant les dattes Aziza, très rares, que l’on trouve uniquement à la palmeraie de Figuig qui compte 250.000 à 300.000 pieds dont une partie dans cette zone d’El Arja.
Un désastre écologique
Outre les difficultés cette décision pour les agriculteurs de la région, l’abandon des terres aura un impact écologique désastreux, regrette Noureddine Boujrad, biologiste originaire de Figuig et enseignant-chercheur à Rennes.
Sur le plan écologique, la palmeraie de Figuig représente un frein au déplacement des sables et à la désertification. Elle contribue à la création d’un micro-climat qui permet de maintenir la biodiversité dans cette zone, explique notre interlocuteur, qui se dit « peiné » de voir enlever des terres exploitées, de père en fils, depuis des années ».
« La palmeraie de Figuig est parmi les plus soignées compte tenu de sa petite superficie, couvrant 250.000 à 300.000 pieds« , soutient, pour sa part, Mohamed Bouakka, enseignant-chercheur à la Faculté des sciences d’Oujda, qui craint la reproduction des scénarios des années 70 et 90, quand les autorités algériennes avaient expulsé des fermiers de leurs terres sur la frontière maroco-algérienne.
Une variété « noble »
La palmeraie de Figuig regorge de variétés de dattes de qualité dont Aziza, une variété dite « noble » de par sa rareté et la difficulté de sa culture.
La méthode de plantation adoptée repose sur la plantation des rejets récupérés du palmier mère : la plantation des rejets permet une reproduction pratiquement conforme et une transmission génétique fidèle des caractères des parents. Il s’agit d’une méthode assez difficile, nous explique Mohamed Bouakka, qui distingue deux procédés de culture du palmier-dattier : plantation des rejets et culture des tissus in vitro.
Les agriculteurs de Figuig préfèrent la méthode d’arrachage artisanal et de plantation des rejets. La culture in vitro étant coûteuse et pouvant ne pas donner la même variété ou provoquer des mutations génétiques, explique notre interlocuteur, qui dirige également un projet visant à améliorer la reprise des rejets, en collaboration avec l’Université libre de Bruxelles.
« Sur le terrain, les agriculteurs parviennent à récupérer 5% ou 10% à peine de rejets du palmier mère. S’ils veulent en acheter, ils doivent débourser 300 à 400 DH pour chaque pièce (pesant 15 kg à peu près) », poursuit notre source.
Par ailleurs, certaines plantations sont effectuées in vitro dans le laboratoire. D’ailleurs, en 2018, le ministère de l’Agriculture avait annoncé un projet de développement de la filière phoénicicole au niveau de Ksar Zenaga, consistant, entre autres, en la distribution de 17.700 vitro plants dont 10.000 de type Aziza.
Vantant les vertus de cette variété, Noureddine Boujrad précise que c’est l’une des plus résistantes à la maladie du bayoud, premier ennemi du palmier dattier. Il évoque également un « goût unique, raffiné et à faible charge en sucre ».
Très rare sur le marché, la datte « Aziza » se vend de 150 DH à 200 DH le kilo. Elle n’est pas produite à grande échelle, souvent consacrée à la consommation locale notamment à la famille et aux amis, sur petites commandes au moment de la récolte (fin septembre/début octobre). A partir des années 80, cette datte a été mise en valeur et commencé à faire son chemin sur le marché national.
« La production est estimée à une moyenne de 40 à 50 kg par pieds (soit 800 tonnes environ) par an, selon la situation climatique, affirme Pr. Bouakka.
Cette variété est sensible à l’aridité qui définit sa qualité notamment lors de la période de maturation.
Notre interlocuteur souligne qu’il s’agit d’une variété « bio » dont les fermiers n’ont pas recours aux produits phytosanitaires. Ils utilisent rarement des engrais, souvent l’azote et le fumier.
Pr. Bouakka souligne également le faible taux de déchets qu’elle génère par rapport aux autres variétés.
Développer la variété
Au niveau de l’ancienne palmeraie de Figuig, la datte « Aziza » ne représente que 10% des cultures. Les agriculteurs commencent à planter dans les nouveaux périmètres, explique Pr. Bouakka, évoquant un projet de dépôt de l’indication géographique typique de cette datte de Figuig, mené au niveau de la faculté des sciences d’Oujda.
Un autre projet est également mené avec des acteurs locaux, portant sur deux volets :
– remédier aux problèmes de reprise du rejet palmier dattier des dattes notamment la variété « Aziza »,
– mettre en valeur les sous-produits sous forme de compostes. L’objectif est de développer un moyen de lutte biologique contre le champignon Fusarium, responsable du bayoud.
Par ailleurs, plusieurs actions sont mises en place notamment par la diaspora marocaine pour contribuer au développement de cette terre des ancêtres », ajoute, pour sa part, Pr. Boujrad.
Source : medias24.com