Bordeaux : L’une des plus grandes fermes en aquaponie d’Europe est en train de sortir de l’eau

Innovation Contraction d’aquaculture et d’hydroponie, l’aquaponie est une forme d’agriculture qui se sert des déjections de poissons pour nourrir les plantes

  • La start-up « Les Nouvelles Fermes » expérimente depuis deux ans une serre en aquaponie à Lormont, dans la banlieue de Bordeaux.
  • Après une levée de fonds de deux millions d’euros, elle annonce le lancement d’un prototype de 5.000 m2 à Mérignac, qui devrait être l’un des plus grandes fermes en aquaponie d’Europe.
  • L’entreprise bordelaise ambitionne de créer une centaine de fermes de ce type dans les dix ans, autour de grandes villes.

Après avoir travaillé en « sous-marin » pendant deux ans, le projet « Les Nouvelles Fermes », qui propose de la culture maraîchère en aquaponie, sort enfin la tête de l’eau. Les cinq cofondateurs de cette start-up qui veut développer l’agriculture urbaine, viennent d’annoncer une levée de fonds de deux millions d’euros, pour créer Odette, qui sera l’une des plus grandes fermes en aquaponie d’Europe, sur une surface de 5.000 m2 à Mérignac dans la banlieue de Bordeaux.

L’entreprise est déjà installée depuis deux ans sur un site à Lormont, où elle mène des expérimentations au sein de la ferme Pauline. Ici, sur 1.000 m2, Thomas Boisserie et ses acolytes, font pousser et commercialisent oseille sanguine, poireau, oignon, cresson, ou encore tomates, via cette technique multimillénaire qu’est l’aquaponie.

Les déjections des poissons surviennent à 80 % des besoins des plantes

« L’aquaponie, c’est la contraction d’aquaculture [culture de poissons] et d’hydroponie, qui est une agriculture dont on retrouve des traces au Mexique il y a 4.000 ans, où l’on faisait pousser des tomates sur des îlots de paille qui flottaient sur un lac », explique le président de la société Thomas Boisserie, qui avait fondé en 2014 la start-up Loisirs Enchères à Bordeaux. Pour résumer, l’idée de l’aquaponie, est de se servir des déjections de poissons, pour nourrir les plantes.

A Lormont, la ferme Pauline se décompose en un écosystème en trois parties. « La première partie regroupe quatre bassins de 16 m3 chacun, dans lesquels se trouvent un peu moins de 300 truites arc-en-ciel, soit un maximum de 18 poissons par mètre cube. On les nourrit avec des croquettes bios de protéines végétales. »

Les déjections des truites sont récupérées et acheminées dans la deuxième partie de l’écosystème, la filtration. « On sépare les boues les plus fines et on enlève les matières en suspension, poursuit Thomas Boisserie. Ensuite, on arrive au biofiltre, où des bactéries vont transformer l’ammoniaque en nitrate. Cette eau, une fois chargée de nitrates, et d’autres éléments que l’on trouve dans les déjections des poissons, est envoyée aux plantes. Les déjections des poissons vont ainsi permettre de survenir à 80 % des besoins des plantes. C’est un circuit fermé, puisque l’eau des plantes repart ensuite dans les bassins des poissons. »

Environ 50 kg de produits frais par jour

Le principal avantage de ce système, est une économie conséquente en terre, bien sûr, mais aussi en eau. « On fabrique 50 kg de produits frais par jour, et on consomme en eau l’équivalent d’une famille moyenne, soit dix fois moins qu’une ferme traditionnelle. » Sur le projet d’Odette, l’économie en eau devrait représenter l’équivalent « d’une piscine olympique. »

Et ce n’est pas tout. « C’est une agriculture sans chimie, puisqu’il n’y a aucun phytosanitaire dans la serre, insiste Thomas Boisserie. Malgré tout, on ne peut pas être labellisé bio pour le moment, car les racines ne poussent pas dans la terre, et parce qu’on ne rejette pas les effluents des poissons dans la nature. » Le chef d’entreprise souligne également que « l’on ne chauffe pas et on ne climatise pas la serre, ce qui fait que l’on consomme relativement peu d’électricité. »

Les poissons transformés en filets de truite fumée

Si les produits ne peuvent pas être estampillés bio, « on se fournit cependant auprès de semenciers bios. » Les semis sont plantés dans des pots positionnés sur une « table à marée » : une fois par jour, l’eau monte de cinq centimètres dans les bacs pour mouiller les pots et stimuler la croissance de la graine. Les plantes partent ensuite dans la pouponnière, à l’endroit où l’eau des poissons est la plus chargée en nutriments pour permettre aux jeunes plants de prendre des forces. Elles sont positionnées sur des radeaux qui flottent, et une fois que les feuilles se touchent, elles passent dans le grand bain où elles continuent de se nourrir avec les déjections des poissons.

Les poissons, sont, eux, transformés en filets de truite fumée, dans un laboratoire danois situé à Lormont. « Ils sont commercialisés sous la marque La truite fumée de Bordeaux, et on fait aussi des rillettes, que l’on peut trouver en grande surface, chez des détaillants ou sur notre site internet. »

Fonctionnement en circuit court

Les produits des Nouvelles Fermes sont « 15 à 20 % moins cher que le bio » assure Thomas Boisserie. « On propose des produits qui ont du goût, insiste-t-il, tout simplement parce qu’on fonctionne en circuit court, nos produits ne passent donc pas trois à cinq jours dans les transports avant d’être consommés, ce qui est une hérésie. On récolte à maturité. Et ce n’est pas parce qu’ils baignent dans l’eau qu’ils ont un goût de flotte, pas du tout. »

Mode de culture très technique, l’aquaponie en France en est essentiellement au stade de la recherche, et est encore peu développée d’un point de vue commercial. Car la marque « Les Nouvelles Fermes » entend bien déployer des sites productifs et rentables. « Après ce site pilote à Lormont, on va lancer notre prototype à Mérignac, qui se situera entre l’aéroport et la rocade. On va franchir un palier, puisqu’on ambitionne de produire jusqu’à 100 tonnes de produits frais par an. Le projet devrait sortir de terre en septembre, et on espère réaliser nos premières récoltes d’ici dix à douze mois. Et on souhaite démultiplier ce prototype par la suite, avec une centaine de fermes en dix ans autour des grandes villes françaises. »

« Les Nouvelles Fermes » n’ambitionnent pas de rendre les métropoles autosuffisantes, « ce qui serait irréaliste », mais souhaitent participer à la réintroduction de la culture maraîchère en milieu urbain, pour favoriser la consommation locale. Mais l’entreprise se heurte à une difficulté de taille, celle de la disponibilité du foncier en ville. 

17 personnes embauchées pour le projet à Mérignac

Pour le projet d’Odette, l’entreprise prévoit d’embaucher 17 personnes, dont un chef fermier, un chef de culture et un chef aquacole, et ensuite une équipe de fermiers urbains polyvalents (FUP). « Il y aura un espace d’accueil où les gens viendront retirer ou acheter leurs paniers. » On peut en effet commander les produits sur Internet et venir les récupérer à la ferme, ou sur des points de distribution aux Chartrons et aux Capucins. « On livre aussi à vélo sur la métropole, par le biais de l’atelier Remue-Ménage. » La commercialisation des produits se fait pour moitié en GMS (Grandes et moyennes surfaces) et restauration, et l’autre moitié en circuits courts et vente directe. Entreprise de l’Economie sociale et solidaire (ESS), « Les Nouvelles Fermes » prévoient d’investir 1,2 million d’euros dans le projet Odette, financés par un fonds d’investissement régional, des business angels, et des emprunts bancaires. La levée de fonds réalisée par la start-up doit aussi permettre des investissements en recherche et développement.

Source : https://www.20minutes.fr

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