La première laitue de l’espace dégustée à bord de la station spatiale
Ce lundi au menu de la cantine de l’ISS (la station spatiale internationale), il y a de la laitue romaine ! Oui, pour nous Terriens, il n’y a pas de quoi se réjouir, mais pour les astronautes de la station spatiale c’est une nouveauté appréciable.
Il s’agit même du premier aboutissement d’une expérience scientifique cruciale, puisque la laitue en question a été intégralement cultivée dans l’espace, en apesanteur.
Devant les caméras de la station spatiale, trois astronautes ont dégusté les premières feuilles de la salade de l’espace, avec un peu d’huile et de vinaigre, c’est meilleur! « C’est génial », s’est exclamé Scott Kelly, « et ça a bon goût! ». L’astronaute américain, très actif sur Twitter, s’est occupé de faire pousser la salade, et dimanche il annonçait déjà avec enthousiasme la dégustation du légume spatial :
« Demain nous mangerons le fruit de la récolte sur la station spatiale », annonçait-t-il, poursuivant avec un jeu de mot très anglo-saxon « but first lettuce take a selfie » (« lettuce » veut dire salade en anglais, et se prononce comme « let us ». « Let’s take a selfie », voulait donc dire le plaisantin de l’espace (« Prenons un selfie »).
Seule une partie de la laitue a été dégustée. La deuxième partie sera congelée avant d’être ramenée sur Terre pour analyses. Car n’oublions pas qu’il s’agit là d’une expérience scientifique ! La première laitue de l’espace a été plantée à bord de la station spatiale en mai 2014 et récoltée 33 jours plus tard pour être envoyée au centre spatial Kennedy en Floride. Pas exactement ce qu’on appelle un circuit de proximité !
Après analyses, les scientifiques de la NASA ont déterminé que le légume était tout à fait comestible, ouvrant la voie à une nouvelle tentative de jardinage spatial. Le 8 juillet dernier, une deuxième laitue a été plantée à bord de la station. Enfin « plantée » c’est un peu trop terrestre comme terme. Les graines ont en fait été placées dans le système de croissance de plantes « Veggie » et ses « oreillers » de germination. Et 33 jours plus tard, ce lundi, la salade est prête à être récoltée, puis dégustée.
Elle n’est pas un peu rouge cette laitue?
Alors une salade de l’espace ça ressemble à quoi? C’est tout d’abord la couleur qui surprend : le légume est clairement rouge!
Et il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord la variété de salade : c’est la laitue romaine rouge qui a été sélectionnée, pour sa croissance rapide, son goût et ses qualités nutritives.
Ensuite, la plante a été cultivée sous des ampoules LED, principalement de couleur bleu et rouge, ce qui lui donne cette teinte violacée. Le spectre lumineux rouge et bleu, c’est le minimum dont une plante ait besoin pour grandir. Cependant, les scientifiques ont également rajouté des LED vertes, bien qu’elles produisent moins de lumière que les deux autres, pour que la plante ait un aspect plus comestible, plus terrestre.
Une laitue de l’espace, ça a quel goût? Et bien ce n’est pas si différent d’une laitue terrienne si l’on en croit l’ISS et les astronautes qui répondaient ce lundi aux questions des internautes. En termes d’apport nutritif, les scientifiques n’ont pas mesuré de différences significatives. Même la durée de culture est semblable à ce qu’elle est sur Terre : 33 jours. L’absence de gravité rend tout de même l’arrosage plus compliqué. Au total, les astronautes ont utilisé 7 litres d’eau pour faire pousser la salade.
Prochaine étape : des tomates ! La laitue romaine n’était que le hors d’œuvre, les scientifiques de l’ISS planchent maintenant sur des cultures de petits choux ou de tomates. Le critère le plus important c’est d’avoir des plantes compactes et super-productives, on ne peut pas se permettre de gaspiller de la place. Des épis de maïs par exemple, seraient totalement inenvisageables. Poivrons verts, radis ou oignons verts sont d’autres options possibles.
Mais dans tous les cas, ces légumes ne seront pour l’instant que des compléments alimentaires qui viendront agrémenter les rations habituelles des astronautes. Les scientifiques de l’ISS estiment que pour un régime complet d’aliments cultivés sur Mars par exemple, il faudrait 20 à 40 mètres carrés par personne, et c’est bien entendu impossible.
Un pas de plus vers Mars
Voir trois astronautes manger des feuilles de laitue rouge en apesanteur n’a rien d’anecdotique, malgré l’incongruité de la situation. L’expérience, réussie, ouvre des possibilités en matière de conquête spatiale. « C’est une petite bouchée pour l’homme, mais un grand saut pour « Veggie », la NASA et notre voyage vers Mars », annonce malicieusement l’astronaute Scott Kelly sur son compte Twitter.
La NASA teste et perfectionne actuellement son système « Veggie » sur la station spatiale internationale. A l’avenir, elle souhaite installer des modules semblables sur les vaisseaux spatiaux et dans les potentielles colonies sur d’autres planètes. Mars est bien entendu l’objectif numéro 1, la nouvelle exoplanète Kepler 452b étant bien entendue hors de portée. La capacité à faire pousser des aliments sera alors cruciale dans l’optique d’une colonisation de la planète rouge.
La salade c’est bon pour le moral
Si l’on est encore loin de pouvoir nourrir tous les astronautes uniquement à l’aide de salade spatiales, ces aliments frais constitueront un supplément nutritif important. Plus inattendu, ce système sera aussi très utile pour l’état psychologique des hommes et des femmes envoyés dans l’espace, dans des conditions extrêmes et soumis à un stress intense. « Avoir de la nourriture fraîche comme cette laitue à disposition dans l’espace pourra avoir un impact positif sur l’humeur des personnes et procurer une certaine protection contre les radiations », selon le Docteur Ray Wheeler, scientifique à la NASA.
Son collègue qui s’occupe du programme « Veggie » au centre spatial Kennedy, le docteur Gioia Massa, est du même avis : « avoir la possibilité de faire pousser et de manger de la nourriture fraiche sera aussi un bénéfice psychologique », explique-t-il, « plus les humains partiront loin et longtemps de la Terre, plus le besoin de faire pousser des plantes sera grand. Je pense que ces systèmes deviendront un composant important de tout projet d’exploration. »
En ce qui concerne le bénéfice psychologique, il suffit pour s’en rendre compte de voir l’excitation avec laquelle les astronautes de la station spatiale internationale accueillent la première dégustation de ce légume de l’espace. A l’issue de la dégustation, Kjell Lindgren, s’est adressé à la Terre pour la remercier. Il a « adoré faire pousser cette plante (…) ça fait un bien fou de voir pousser un peu de verdure, on s’y attache beaucoup ». Dimanche, il se disait « presque triste de manger cette salade. Presque… »
Source : leparisien.fr