Maroc : agriculture biologique, des exportations certifiées au « beldi »
Le marché marocain du Bio est encore très réduit. Il n’atteindra d’ailleurs jamais les objectifs démesurés fixés par le contrat programme … Un élément majeur freine la croissance de la distribution locale : le label Bio proprement marocain n’est toujours pas opérationnel.
« Le Maroc produit aujourd’hui 80 000 tonnes de produits bio certifiés par an sur 7 800 hectares. S’ajoutent 165 000 hectares de cultures spontanées d’arganiers ou d’herbes aromatiques, par exemple », indique Allal Chibane, chef de service de la promotion des labels à la direction du développement des filières de production au ministère l’Agriculture. Une surface de 13 500 hectares supplémentaires sont en cours de conversion.
« Depuis les débuts de la filière dans les années 2000, on assiste à une diversification des produits. Il ne s’agit plus seulement de légumes ; l’élevage commence, il y a plus de céréales », atteste Lahcen Kenny, spécialiste du Bio et professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II à Rabat.
Le marché marocain du Bio est encore très réduit. Il n’atteindra d’ailleurs jamais les objectifs démesurés fixés par le contrat programme du secteur définis en 2011 pour 2020. Si, à mi-parcours, la production et les surfaces cultivées en Bio ont doublé, elles restent très loin de leurs objectifs : 40 000 hectares et 400 000 tonnes en 2020. Avec une telle progression, le Maroc n’a atteint que 22% de ses objectifs à 4 ans de l’échéance.
12 000 tonnes exportées
Les exportations de produits certifiés Bio sont encore bien plus en retard sur les objectifs du contrat-programme. De 10 000 tonnes en 2011, elles devaient passer à 60 000 tonnes en 2020, mais n’ont atteint que 12 000 tonnes.
« Nous exportons 8000 tonnes de produits frais pas an, essentiellement des légumes, mais les 4000 tonnes de produits transformés sont encore malheureusement exportés en vrac. L’huile d’olive, l’argan, les câpres et même le jus d’orange sont reconditionnés dans le pays qui les reçoit. La valeur ajoutée pour le Maroc est très réduite. La marque Maroc est alors inexistante », explique Allal Chibane.
Même si l’export est très limité, il reste la principale vocation du processus de certification Bio au Maroc, faute d’un réel marché national. En février dernier, Maroc Export, l’agence nationale de promotion des exportations, a ainsi réussi à réunir 13 entreprises marocaines opérant sous certification bio pour le salon Biofach enAllemagne. Huile d’argan, huile d’olive, huiles essentielles, couscous, spiruline ont été vendus sur le salon.
Les Domaines agricoles misent sur le Bio
La filière professionnelle exportatrice compte aujourd’hui 300 opérateurs. La société Conserves Bio, créée en 2009, produit notamment de l’huile d’olive certifiée Bio dans la région de Meknès Tafilalet ou Le Domaine du Val d’Argan, à Essaouira, qui produit du vin mais également de l’huile d’argan et de l’huile d’olive bio.
« La majeure partie de la production bio va au marché local mais en dehors d’une petite partie vendue dans quelques magasins spécialisés, tous ces produits sont vendus en conventionnel« , explique Allal Chibane. La chaîne française La Vie Claire est la seule enseigne spécialisée du Maroc. Elle a ouvert trois magasins au Maroc, à Casablanca et Rabat.
Les Domaines agricoles, filiale de la holding royale SNI, investisseent également le secteur. Spécialisés dans les produits haut de gamme, ils vendent leurs produits directement aux consommateurs dans leurs boutiques « Les Domaines » à Casablanca et Rabat. La société a également investi la toute nouvelle fédération interprofessionnelle fondée en juin 2016 : son directeur général Bouamar Bouamar est devenu le président de la toute nouvelle Fimabio et Jalal Charaf, directeur des Arômes du Maroc, filiales des Domaines, est l’un de ses vice-présidents.
Le label Bio marocain toujours en attente
Un élément majeur freine cependant la croissance de la distribution locale : le label Bio proprement marocain n’est toujours pas opérationnel. Il a été défini, son logo adopté, les décrets publiés, mais il manque les arrêtés restés bloqués au niveau du secrétariat général du gouvernement. Aujourd’hui, les certificateurs bio au Maroc sont français, allemands, italiens et américains.
De très nombreuses initiatives ont vu le jour sur l’axe Casablanca Rabat, sans attendre la certification Bio marocaine. Lancé en 2013, leRéseau des Initiatives agro-écologiques au Maroc (RIAM) se base sur l’idée d’identifier et de mettre en réseau tous les acteurs de l’agro-écologie au Maroc. Trois forums ont déjà été organisés à Mohammedia, Marrakech et Chefchaouen.
« L’objectif du RIAM est de rendre visibles les initiatives d’agro-écologie qui existent déjà au Maroc et qu’il faut préserver », explique Annie Mellouki, présidente du RIAM, car selon Lahcen Kenny, « 99% du « beldi », c’est du bio non certifié ». Par « beldi » (de mon pays), il faut comprendre les produits du terroir cultivés traditionnellement et réputés de bien meilleure qualité que les produits industriels vendus dans les commerces de proximité.
Du Bio au Beldi ?
« Capter les productions agricoles des zones de montagnes et zones oasiennes sous la qualification bio fait partie des objectifs de l’interprofession », précise le spécialiste. Un moyen très efficace de voire grimper les statistiques de la production bio – limitées à la seule certification – de façon massive sans toucher à la réalité agricole.
Grâce à cette dynamique associative et interprofessionnelle, le « beldi » croisé avec le bio se fait lentement une place dans les circuits de commercialisation nationaux. Les produits cultivés dans le contexte de cette nouvelle mouvance associative, commencent à être distribués au sein de « marchés paysans » à Mohammedia et à Marrakech. Ils sont également vendus sous forme de paniers prépayés parles consommateurs à Rabat et Salé.
source : Tiré d’un article publié par www.usinenouvelle.com