Accord agricole : Tout ce qu’il faut savoir
L’accord agricole entre le Maroc et l’Union européenne (UE) est au cœur d’une bataille juridico-politique. Le quotidien Les ÉCO a développé sur son édition du 16 décembre la teneur et les enjeux de cet accord.
Qu’est-ce que l’accord agricole ?
L’accord de 2012 a une vocation commerciale qui se propose de mettre en œuvre, de manière progressive, une plus grande libéralisation des échanges réciproques des produits agricoles, des produits agricoles transformés, de poissons et des produits de la pêche. Il s’ajoute aux trois anciens protocoles agricoles et de la pêche (1, 2, 3) de l’Accord d’association. Les négociations ont duré trois ans, à partir de 2006. Le processus de ratification par le Conseil européen et le Parlement à Strasbourg s’est étendu sur trois laborieuses années.
Quels avantages le Maroc tire-t-il de cet accord ?
Tous les produits agricoles marocains bénéficient de l’accès libre, à l’exception d’une liste limitative de quelques produits (liste négative). Cette liste comprend les produits les plus importants du point de vue des exportations agricoles marocaines : Tomate, clémentine, fraise, concombre, courgette et ail. « Ces produits bénéficient, certes, de réductions ou d’exonérations tarifaires, mais restent fortement encadrés par des contingents, des calendriers, des prix d’entrée », observe Najib Akesbi, professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire de Rabat et spécialiste des questions agricoles, dans sa récente étude, « La question agricole dans les relations euromarocaines ». C’est le cas de la clémentine, de la tomate ou des fraises. Entre 2012 et 2015, le contingent global de la tomate a augmenté de 22%. Cependant, « le contingent de la tomate reste de surcroît, non seulement mensualisé (entre octobre et mai), mais encore décliné selon le dispositif du « quota additionnel ». Ce critère est assorti de sanctions en cas de dépassement de contingents.
Quels avantages l’UE tire-t-elle de cet accord ?
L’UE aspire à appliquer le principe de réciprocité. « Après avoir été passablement engagé dans le précédent accord, il devait se déployer pleinement pour désormais prendre résolument le chemin du libre-échange », explique Akesbi. La libéralisation des exportations européennes vers le Maroc s’est faite dans le cadre de trois listes, la première concerne les produits totalement libéralisés (semences, graines oléagineuses, les huiles brutes, café non torréfié, etc…). La deuxième liste est soumise aux contingents (maïs, beurre, avocat) et la troisième des non libéralisés (produits les plus sensibles : blé, viande bovine et ovine). « Cette dernière liste est une liste négative marocaine. Néanmoins, les droits de douane auxquels ces produits sont soumis sont d’un pourcentage déterminé, mais dans la limite d’un contingent tarifaire donné », analyse Akesbi.
Quel est le bilan pour le Maroc trois ans après ?
« Le régime d’accès des produits agricoles marocains aux marchés européens reste fortement limité par les dispositifs de protection, essentiellement non tarifaires et concernant précisément les produits que le Maroc est en mesure d’exporter de manière significative vers ces marchés ». L’arsenal protectionniste de l’Europe est toujours le même : Quotas, calendriers, prix d’entrée, normes de qualité, etc… « Ce sont ces obstacles et non les tarifs douaniers qui ont entravé le développement des exportations marocaines depuis plus de 40 ans », rappelle Akesbi. L’épisode des nouvelles dispositions modifiant le régime d’accès des fruits et légumes aux marchés de l’UE en 2014 renseigne sur les mesures protectionnistes prises par l’UE, sous la pression des différents lobbies européens du secteur agricole. Ces différentes manœuvres diminuent la compétitivité.
Et pour l’UE…?
Le régime d’accès des produits agroalimentaires européens au marché marocain réalise un « saut qualitatif », depuis l’accord de 2012, décrit Akesbi. Et d’ajouter : « Cet accord érige le libre-accès en règle et la protection en exception, allant jusqu’à établir des listes et des calendriers de libéralisation devant aboutir, en une décennie, à permettre à la très grande majorité des produits agroalimentaires européens d’être écoulés, sans restriction, dans le marché marocain ». Selon les données de l’UE, le Maroc devrait libéraliser 45% de ses importations agroalimentaires en provenance de l’UE immédiatement après l’entrée de l’accord proportion qui devrait monter à 61%, cinq années plus tard et 70% au bout des cinq années qui suivent.
Qui tire, mieux, profit de cet accord ?
À partir de l’analyse du texte de l’accord et de sa pratique, depuis les trois premières années, Akesbi fait le constat suivant : « Cet accord reste très en deçà de la place que l’UE prétend vouloir réserver au Maroc dans la perspective du projet euroméditerranéen. La montagne de belles promesses de la politique européenne de voisinage et du « Statut avancé » accouche d’une souris ». Et de conclure : « Le nouvel accord n’est pas seulement décevant parce que qu’il perpétue une politique protectionniste néfaste pour les exportations marocaines, mais il peut aussi s’avérer dangereux parce que, pour la première fois, il programme une véritable déprotection de pans entiers des secteurs agricoles et agroindustriels du pays ».
Source : leseco.ma