“Trofel… ce prix d’excellence est surtout une grande responsabilité“, interview avec M. Abdellah Jrid président d’Agrumar Souss
Attiré par le domaine de l’agriculture depuis son enfance, M. Abdellah Jrid président de la coopérative Agrumar Souss a commencé sa carrière en tant qu’agriculteur et exportateur d’agrumes il y a plus de 30 ans. Dans les années 90, M. Abdellah Jrid a intégré le bureau administratif de la coopérative Agrumar Souss au sein du quel il a occupé plusieurs postes pour être nommé président de la coopérative il y a 5 ans. A l’occasion de son consécration lors de la 6ème édition du Trofel pour le prix de l’excellence, nous l’avons interviewé pour avoir ses impressions.
Hortitechnews : A votre avis, qu’est ce qui a fait pencher la balance en votre faveur pour mériter le prix d’excellence du Trofel 2015, est ce les améliorations faites au niveau de la station ou vos résultats à l’export et il y’a d’autres éléments ?
M. Abdellah Jrid : Tout d’abord il faut mentionner une chose, au cours des cinq premières années de l’organisation du Trofel, les participants ont été appelés à constituer des dossiers de candidature. Pour la première fois cette année, l’EACCE (Etablissement autonome de contrôle et de coordination des exportations) a décidé que les dossiers de candidatures préalables ne seront plus exigés.
Cette année, le secteur de l’agrumiculture a connu une nouvelle stratégie et je pense que nous avons pu “jouer le jeu“, c’est ce qui nous a permis de gagner ce prix d’excellence, en plus, bien entendu, des améliorations et des efforts fournis au niveau de la station. Le côté relationnel joue également un rôle très important et Agrumar a pu, durant les dernières années, bien entretenir ce volet aussi bien avec nos clients, fournisseurs, partenaires qu’avec les différentes administrations.
Pour moi, ce prix est une reconnaissance pour tous ces efforts. C’est un encouragement psychologique, mais surtout une grande responsabilité et un point de départ pour revoir nos réalisations, nos défis et nos projets futurs.
HTN : Nous avons appris qu’Agrumar a procédé à d’importants investissements pour la modernisation de la station, pouvez-vous nous en parlé un peu ? Ceci paraît un peu paradoxal avec les difficultés que vit le secteur non ?
M. Abdellah Jrid : Tout à fait, nous sommes passés d’un système 100 pour cent mécanique, avec lequel nous avions travaillé pendant 30 ans, à un autre qui est totalement automatisé.
HTN : Ceci paraît un peu paradoxal avec les difficultés que vit le secteur non ?
M. Abdellah Jrid : Certes que le secteur vit une situation de crise mais nous avons relevé le défi. Nous sommes passés par des moments difficiles et je me rappelle bien que lors d’une réunion, que nous avons tenue l’année dernière au sein du bureau administratif, nous avons failli abandonner le projet. Mais malgré tout ceci nous avons pu assumer la responsabilité et faire cet investissement, qui est certainement lourd mais qui a donné une haute valeur ajoutée à nos produits (rendement, qualité …)
HTN : L’année passée fut l’une des pires de l’histoire de l’agrumiculture marocaine, certains producteurs n’ont pas hésité à déclarer que c’est le Plan Maroc Vert qui est la cause de cette situation, car actuellement l’offre dépasse de loin la demande aussi bien à l’export qu’au marché local, partagez-vous ce point de vue ? Sinon quelles sont, pour vous les causes derrière cette crise?
M. Abdellah Jrid : A mon avis le plan Maroc vert est une bonne initiative qui a crée plusieurs postes d’emploi directs et indirects. C’est devenu le moteur de vie de plusieurs familles dans la plupart des régions du Maroc.
Il a été instaurée pour l’intérêt de la profession, mais malheureusement certaines erreurs techniques ont été commises par la profession même dans le cadre de mise en place de ce plan, je note par exemple pour le secteur des agrumes le choix des variétés, la non spécification des régions de production (précoces, tardives) …etc. C’est à nous de s’adapter à ces changements pour valoriser nos produits et fournir plus d’efforts pour la commercialisation.
La crise que connait le secteur d’agrumiculture ces dernières campagnes est due principalement à la mauvaise gestion du secteur. Ajouté à ceci l’effondrement du rouble et des conditions climatiques non favorables (vagues de chaleur/ intempéries).
Cette année c’est la première fois que nous travaillons dans un cadre bien structuré pour le secteur. Grâce au comité de coordination, qui a été crée pour la gestion de la commercialisation des produits, nous avons fixé un ensemble de paramètres qui nous ont permis de s’organiser dans un cadre plus professionnel : norme de qualité, date d’entrée en récolte, prix minimum de vente…etc.
HTN : La Russie, qui absorbe près de 60% des agrumes marocaines, vit une crise économique qui risque de durée plusieurs années, ceci va accentuer la problématique de commercialisation de nos produits dans le futur, pensez-vous que nous pourrons écouler le tonnage habituel sur d’autres marchés ?
M. Abdellah Jrid : Tout d’abord il faut mentionner une chose, la Russie est un des anciens marchés pour les produits marocains. Si ce marché est en situation de crise actuellement, les producteurs marocains doivent collaborer pour sauver cette situation. Nous pourront envisager, par exemple, de revenir au commerce de troc avec lequel les deux pays ont coopéré pendant plusieurs années, puisque le Maroc importe déjà plusieurs produits de ce pays : céréales, engrais, bois…etc.
Au cours de cette campagne, le Maroc a commencé à récupérer sa position sur le marché canadien et à s’entendre sur celui des états unis. Il y a également d’autres destinations à développer telles que l’Afrique, le Japon, la chine, les pays du golf et le marché local également.
HTN : En tant que président de la coopérative Agrumar Souss, quelle orientation avez-vous donné à votre structure afin d’affronter les défis du futur, surtout en termes de qualité ?
M. Abdellah Jrid : Agrumar Souss était parmi les premières coopératives qui ont adopté la démarché qualité. L’investissement qu’a connu la station de conditionnement est l’un des principaux défis réalisés pour assurer la qualité de nos produits. Les nouveaux équipements nous permettent d’augmenter notre rendement ainsi que la qualité de nos produits.
D’autres part, l’encadrement et la prise en charge par la coopérative de certaines dépenses des agriculteurs (comme la mise en place des pièges de la cératite par exemple) avait une valeur ajoutée sur nos produits.
HTN : Nous avons entendu qu’au sein du comité de coordination vous vous êtes mis d’accord sur un ensemble d’actions pour vous protéger contre les mauvais payeurs et aussi la baisse des prix, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
M. Abdellah Jrid : oui tout à fait, un ensemble de mesures ont été prises. Mais avant de parler du paiement, un ensemble de mesures ont été aussi afin d’assurer la qualité du produit marocain (Taux de brix, date d’entrée en récolte …)
En ce qui concerne le payement, Je note principalement :
– Exiger une avance de paiement de 80% au minimum
– Fixer un prix minimum de vente par variété
– Constituer une “liste noire“ actualisée en permanence des mauvais payeurs, qui est communiquée à toute la profession.
HTN : Ceci paraît très important, mais au niveau du marché local, où le plus grand tonnage est écoulé, la clémentine atteint des pris très en dessous du prix de revient, vous ne projetez pas d’entreprendre des actions afin de se protéger de ces bas de prix, qui profitent surtout aux spéculateurs ?
M. Abdellah Jrid : Le marché local a été toujours un grand sujet de discussion. Afin de pouvoir le structuré il faut tout d’abord valoriser le produit marocain. Le consommateur marocain devient de plus en plus intelligent et exigeant. Dans les prochaines années il ne se contentera plus des présentations en vrac des produits, il y’a déjà les premiers signes.
Il faut penser dés maintenant à comment mettre en valeur ce produit, surtout en termes d’emballages et présentation finale afin de pouvoir répondre aux exigences futures du consommateur marocain. Ceci signifie un grand effort de la part de la profession et des organismes étatiques, notamment, pour l’adaptation des prix des emballages et l’amélioration du pouvoir d’achat.
En plus, il faut mettre en place des plates formes à l’échelle nationale, ceci va, au moins, diminuer l’effet de la multiplicité des intermédiaires dans ce secteur.